L’écriture manuscrite, quelle merveilleuse évolution humaine ! Si l’outil est le prolongement de notre main, la plume et le stylo sont sûrement les plus subtils des ustensiles. Du post-it au roman en passant par la liste de courses et le billet doux, écrire est une discipline disposant d’une étonnante variété de fonds et de formes. Malgré tout, les objectifs restent les mêmes : la transmission et la durée dans le temps. Grâce à l’écriture, une information ou un savoir peuvent être retranscrits pour traverser les âges et être partagés avec le plus grand nombre. Pour cela, nous apprenons très jeune l’art d’écrire à la main. Mais avec le temps, nous oublions les bases ou modifions cet apprentissage. Proches des claviers AZERTY, nous nous éloignons du bon vieux duo feuille et stylo. Vous souhaitez acquérir les connaissances de base pour entamer votre initiation à l’art d’écrire à la main ? Griffonner sur un brouillon ne vous suffit plus, vous rêvez de correspondre par échanges manuscrits ? L’image du romancier ou de la romancière, couchant sur le papier ses idées, vous attire ? Il n’y a pas d’âge pour reprendre les bases. Installons-nous confortablement et faisons un petit tour d’horizon de ce qui fait le socle de l’écriture manuscrite.
Techniques d’écriture à la main
Avant de devenir majoritairement numérique, l’écriture est passée par plusieurs phases manuscrites. Chaque technique apporte son avantage : esthétisme, rapidité et/ou lisibilité.
La calligraphie
Elle est de loin la plus esthétique et la plus complexe des trois techniques que nous aborderons dans ce chapitre. La calligraphie nous apprend la beauté des courbes et l’usage subtil de la plume et de l’encre. Il est fortement déconseillé de commencer son initiation à l’écriture par cette discipline. Il s’agit d’une technique qui demande beaucoup de concentration et de maîtrise de la plume. Une préhension délicate, souple et légère est de rigueur.
Écriture en lettres d’imprimerie
Il s’agit de l’écriture la plus lisible et pour cause, elle a été créée comme son nom l’indique, pour l’impression d’ouvrages, de journaux ou autres billets d’informations. Chaque lettre est dissociée des autres afin de permettre une appréciation indiscutable des caractères . Pour cet avantage incontestable, le style « imprimerie » est dominant qu’il s’agisse des livres ou des textes présents sur internet.
Pour la petite anecdote, au début de l’imprimerie, les mots étaient collés entre eux. Il n’y avait aucun espace. La raison était simple : fabriquer du papier coûtait très cher. Il fallait donc réduire la longueur de chaque phrase. Avec le temps et la compréhension de l’œil et du cerveau, les imprimeries insérèrent entre chaque mot UNE espace. Pourquoi « une » espace et pas « un » ? L’espace était la pièce d’imprimerie que l’on disposait entre la dernière lettre d’un mot et la première lettre du mot suivant. S’agissant d’une pièce, l’espace est donc étymologiquement parlant, féminin.
L’écriture cursive
C’est sans doute la plus polymorphe des écritures et c’est peu dire. Quand nous apprenons pour la première fois le style cursif, nous nous appliquons à former la lettre en elle-même et sa jonction (transition visible d’une lettre à une autre). Les ronds, les queues et les courbes sont, à l’origine, régis par un nombre précis d’interlignes à respecter. Mais, avec le temps et les mauvaises habitudes, nous ne prêtons plus attention à ces derniers. L’important est que la forme reste harmonieuse (ou pas cf. la célèbre typographie de nos médecins généralistes) dans sa finalité.
En résultat, personne n’a le même style. Certes il peut y avoir des ressemblances, mais il y a toujours un détail plus ou moins évident qui entre en jeu. Il est donc possible de trouver la personnalité d’un individu grâce à son écriture, cette discipline s’appelle la graphologie. L’idée générale du cursif est de gagner du temps. Grâce à cette technique, on ne lève le stylo que pour passer d’un terme à un autre. Contrairement aux lettres d’imprimerie où un espace est nécessaire entre chaque caractère. La rapidité a une conséquence : la déformation des lettres par le non-respect de la convention de l’interligne.
Accessoires fondamentaux
Pour effectuer un bon travail, il faut les outils adéquats. Les accessoires pour écrire à la main ne manquent pas. Bien que cette activité tende à disparaître face à l’avènement du numérique, elle reste pour le moment fondamentale dans notre société. Certaines entreprises et grandes marques gagnent leur vie en vendant une multitude de variantes de fournitures liées à l’art de l’écriture. Ici, nous allons faire un petit récapitulatif de la trousse et du support minimum et suffisant pour l’écrivain en herbe ou le repenti.
La plume
Accessoire le plus ancien dédié à l’écriture telle qu’on la connaît, son origine remonte à l’usage par les scribes de la plume d’oie biseautée. Les plumes actuelles sont constituées d’un manche traditionnellement en bois, monté d’une pièce en acier finement ciselée. Cet ustensile ne saurait exister sans l’encrier qui est le réceptacle dans lequel on verse l’encre. On trempe avec délicatesse la pointe de la plume dans l’encre, on se débarrasse du surplus en frôlant avec douceur le bord de l’encrier. La pointe entre en contact avec le papier et l’encre commence instantanément à se glisser entre les fibres végétales de votre support. Attention au pâté et au placement du poignet qui peut étaler l’encre encore fraîche.
Pour les gauchers, cette écriture relève du challenge : avec cette main la plume est poussée et à des chances de se planter dans le papier. Ceci endommage autant la pointe ciselée que le support. Et pour couronner le tout, le gaucher reposant sa main à gauche de la ligne et suivant vers allant vers la droite, il étale malencontreusement l’encre qu’il vient à peine de poser. C’est pour cela que ce dernier aura tendance à casser le poignet pour écrire par en haut. En général, l’écriture à la plume est plus agréable à l’œil. On a tendance à prendre plus de précautions vis-à-vis de la fragilité de la pièce en acier et de l’encre qui ne demande qu’à goûter. C’est en calligraphie que la plume est la plus utilisée. Pour répondre à des exigences de style et de forme, les pointes peuvent varier de taille et de profil.
Le stylo plume
C’est le successeur direct et la version moderne de la plume. Comparé à sa prédécesseure, ce stylo est plus compact et moins élancé. Son gros avantage est d’embarquer avec lui un réservoir d’encre communément appelé « cartouche ». La pointe en acier est toujours présente, mais avec une modification de taille : un système plastique conduisant l’encre de la cartouche vers la pointe de la plume. Plus on écrit, plus l’encre circule dans le plastique comme si elle était aspirée vers l’extérieur. À moins d’abîmer la pointe en acier ou d’effectuer un mouvement violent avec votre stylo, l’encre ne coule pas et l’écriture n’est donc pas sujette à des taches d’encre.
Le buvard
Ce petit bout de papier nous sauve la mise plus d’une fois. Il s’agit d’un papier dont les fibres sont moins compactées que la moyenne. Le buvard est donc plutôt épais, proche du papier cartonné et idéal pour absorber le surplus d’encre de la plume de calligraphie et du stylo plume. En pratique, il suffit de poser le buvard sur l’écriture fraîche et de reposer le poignet par-dessus. De la sorte, l’encre excédentaire est absorbée et la main est isolée de notre travail manuscrit. Un indispensable pour les aventuriers et aventurières de la plume.
Le stylo bille
Un grand classique ! Ce stylo ne bave que si la bille a reçu un choc conséquent ou s’il a été laissé au soleil trop longtemps. La cartouche d’encre est connectée à un système de sortie à bille. Plus on glisse la pointe sur le papier, plus le stylo dépose l’encre au gré des formes et des caractères que nous dessinons. L’encre sèche plus vite que celle d’un stylo plume et l’accident de la tâche est impossible à 99%. Le 1% concerne une utilisation douteuse du stylo. Un dérivé de ce système utilise du gel à la place de l’encre commune. Le résultat est propre mais attention aux traces.
Les supports papier
Feuilles volantes ou cahiers, l’essentiel est d’avoir de grands carreaux avec des interlignes. Comme expliqué plus haut, les interlignes aident à proportionner avec justesse chaque caractère. Imaginons les apprentis scribes d’antan livrés en pâture à leur page blanche toute fraîche sortie du moulin à papier. Aucune marge, aucun carreau, aucun interligne visible pour aider à écrire du gothique, l’une des écritures les plus complexes qui existent. Heureusement, depuis, le matériel a évolué et a été optimisé pour convenir à l’apprentissage.
Le cahier d’apprentissage
Un indispensable qui met notre égo à l’épreuve ! À l’occasion d’une visite au rayon livres d’une grande surface ou chez un libraire, on peut se rapprocher de la section « cursus scolaire ». À l’emplacement dédié aux 3-7 ans, il est possible de se procurer un livret d’écriture. Avec ou sans Émile le crocodile ou encore Hector le castor, il est important de se procurer ce genre d’ouvrage. En général, un livret de ce genre renferme des modèles de lettres bâtons, des cursives en majuscule et en minuscule ainsi que des chiffres. L’exercice commence par les formes récurrentes de type, rond, boucle et queue. L’égo doit être envoyé au placard. Il faut prendre cela comme jeu. On a peut-être l’impression de faire marche arrière, mais on en ressort grandi. À se demander si un jour seulement on nous a réellement appris à écrire.
Postures et attitudes recommandées pour écrire à la main
Avec les paragraphes précédents, on oublierait presque que la main est rattachée à un corps et une conscience. Apprendre à écrire, rédiger en prose ou se corriger, tout cela reste très physique et demande de la patience. Rien que le fait de replonger dans notre enfance pour apprendre à nouveau à écrire peut être démotivant. Pour éviter la frustration, il est important de faire de cette expérience un plaisir. À toute discipline sa posture et son attitude ! L’écriture n’échappe pas à la règle.
L’attitude
Votre état d’esprit est le maître des lieux. Comme nous venons de le dire, écrire à la main est un acte qui demande de la concentration. Dans le cas d’un premier apprentissage comme dans les maternelles par exemple, l’enfant doit se concentrer au moins un instant pour réaliser le travail demandé. Un « f » en bonne et due forme demande du travail, surtout quand on rencontre cette lettre pour la première fois. Quand on est adulte et que l’on souhaite réapprendre l’écriture, notre ennemi premier est ce qu’on pense avoir appris il y a longtemps. L’effort est considérable. L’enfant apprend par exécution et son cerveau absorbe sans rechigner, mais il ne sait pas encore pourquoi il faut apprendre à dessiner ces caractères.
Donc à la différence de l’enfant, nous avons un objectif personnel bien défini, ce qui est important pour donner de la vigueur, de la rigueur et surtout du courage. Notre main et notre gestuelle sont marquées par des dizaines d’années à écrire. Il faut donc se forcer à bien former chaque lettre pour réapprendre les mouvements adéquats. Une écriture belle et soignée s’opère lentement. Si la vitesse est obligatoire pour suivre notamment un rythme scolaire (petit clin d’œil aux enseignants qui effacent le tableau trop tôt), elle est à l’origine de la régression de la qualité manuscrite. Donc l’équation est simple : si l’on veut un joli mot où les caractères s’harmonisent en conservant les proportions standards, il faut aller lentement et donc être patient. Cette patience et cet effort qui nous sont demandés impliquent d’être préalablement détendus.
La posture
Notre cerveau est monotâche. Il effectue une tâche à la fois (les personnes dites multitâche sont en réalité des profils pouvant passer du coq à l’âne en un temps record). À chaque fois qu’il est concentré sur une activité, notre cerveau occulte d’autres paramètres. Être concentrés sur le papier nous fait négliger notre posture globale : tête penchée, langue tirée, mâchoire crispée, dos voûté, regard à 5 cm du papier et main serrant le stylo comme si ce dernier tentait de fuir. Nous commençons avec une bonne attitude (cf. paragraphe précédent), ensuite nous nous imposons une posture de base.
Le dos doit être le plus droit possible. Une fois le confort trouvé en respectant ce premier point, une inclinaison de la nuque est indispensable pour voir ce que l’on fait sur le papier. Seul le cou doit s’incliner. Le bras se positionne de telle sorte que l’épaule soit relâchée et que l’avant-bras soit posé sans appuyer sur la surface de travail. Le poignet doit être libre pour effectuer des mouvements souples sans tension. Pour finir, la tenue standard d’un stylo est la suivante : pouce et majeur pincent le stylo et l’index repose en appui. De cette manière, l’écriture bénéficie à la fois de la souplesse du poignet et de celle des doigts.
Vous voilà désormais en possession des bases les plus fondamentales de l’écriture à la main. Tout exercice est bon à prendre. Correspondre par lettre manuscrite, à l’ancienne, est une activité qui a du charme et qui motive à s’appliquer à la tâche. Le journal intime, qui n’est pas réservé qu’aux jeunes filles malgré ce qu’on veut nous faire croire, peut aussi être une bonne idée. Coucher sur le papier vos journées et vos réflexions quotidiennes ou hebdomadaires aide à s’appliquer. Ce qui est bien écrit prend de la puissance et est plus respecté. Lors d’un voyage, il peut être très agréable de recueillir les impressions et les évènements de la journée. Pendant une expérience quelconque, ouvrez un journal de bord. Toute occasion est bonne pour écrire, le plus exigeant sera le démarrage et l’assiduité. Par la suite, cela devient une habitude plaisante. Il n’est jamais trop tard pour apprendre ou réapprendre des enseignements lointains. Avant de vous lancer dans cette aventure, nous vous proposons de réaliser un test. Ainsi vous pourrez prendre conscience de votre niveau d’écriture. Ce test s’adresse aux enfants comme aux adultes.
Guillaume Baillet